Portraits invisibles des lumières

Errance dans la fête des Lumière, ballade aux confins des contes, prises de sons, musique...
Une émission produite par Coline Lafontaine, Marie Dougnac et Martin.

Portraits invisibles des Lumières n°34 mars 2020

Goutte de pluie

Une émission de , et .

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Conte :

Il était une fois une larme qui voulait être une goutte de pluie. Cette larme errait sur terre, sans port d’attache, et cherchait un moyen de rejoindre le ciel. Elle imaginait la sensation à la fois douce et intense que ce devait être d’être englobé dans un nuage, entourée de ses pairs. Elle rêvait de la vitesse de la chute, du vent sifflant autour d’elle, l’adrénaline, la peur, l’excitation : l’aventure. Être une larme ne lui suffisait pas. Les regards de pitiés l’incommodaient, la crainte l’irritait (comme si elle était contagieuse). On ne voyait en elle que la tristesse, la faiblesse, jamais la force et la témérité qui l’habitaient.

Un jour, la larme décida qu’il était temps pour elle de concrétiser ce projet qui l’animait depuis toujours. Il n’était plus possible de continuer son existence sans accomplir sa destinée profonde, être une goutte de pluie. Elle connaissait absolument tout ce qu’il y avait à savoir sur les gouttes de pluie et savait qu’elle pourrait jouer ce rôle à la perfection. Pour cela, il lui fallait juste trouver comment monter jusqu’aux nuages. Sauf que cette étape était celle qui précisément coinçait. La larme avait beau chercher dans les livres, se creuser la tête, écrire à de nombreux spécialistes, elle ne trouvait pas de solution convaincante. Il lui était proprement impossible de bénéficier de l’évaporation car, comme vous le savez peut-être, l’évaporation des liquides signe leur fin de vie, et leur réincarnation une fois la vapeur de nouveau condensée sous forme liquide. La larme croyait en ce cycle de vie éternel et était prête à mourir une fois arrivée sur terre, à la fin de sa longue chute à travers le ciel. Mais c’était elle qui souhaitait connaître la vie d’une goutte de pluie, pas son incarnation prochaine ! Une fusée la larguerait bien plus haut que les nuages, elle n’avait aucune confiance dans les oiseaux transporteurs… Les chances de trouver une solution s’amenuisaient au fur et à mesure que les scientifiques baissaient les bras. C’est alors qu’elle était sur le point de se résignée qu’une lettre arriva. Elle émanait de Diniord Lavenec, savant et inventeur étranger (disait sa carte de visite). Diniord proposait à la larme qu’ils se rencontrent, lui assurant que chaque problème avait une solution, et qu’il était maître en l’art de les trouver. La larme cru d’abord à une arnaque. Encore un farfelu qui croit pouvoir profiter de la misère du monde. Mais en faisant des recherches, elle se rendit compte que ce monsieur Lavenec jouissait d’une réputation sans faille et qu’il avait travaillé avec tous les grands de ce monde.

La larme décida donc de recontacter le savant, et lui donna rendez-vous quelques jours plus tard. Diniord Lavenec était un homme de parole, et il arriva pile à l’heure pour rencontrer la larme qui souhaitait devenir une goutte de pluie. Celle-ci lui expliqua précisément son projet, les problèmes qu’elle avait rencontré et qui l’empêchait de réaliser son rêve. L’homme hochait la tête et griffonnait dans un carnet. Est-ce qu’il m’écoute seulement ? Pensa la larme pleine de doute. Lorsqu’elle se tut, un long silence s’ensuivit, Diniord continuant de s’activer sur son carnet. Puis il posa son crayon, et tendit le carnet ouvert face à la larme.

« Voici la machine qui pourra vous sauver. » Dit-il simplement. Sur les feuilles, des dizaines de croquis, magnifiques, très détaillés. Des roues, des pédaliers, un système de rouage…

« Comment ça fonctionne ? » Osa demander la larme, toujours un peu dubitative.

« Le seul moyen de vous faire atteindre le ciel est de vous propulser doucement dans les airs. Pour cela, il faut vous rendre légère, très légère… Vous autres larmes, vous êtes salées, et tout le monde sait bien que les larmes les plus grosses sont les plus insouciante tandis que les larmes minuscules pèsent parfois une tonne. Grâce à ce pédalier qui activera les rouages, vous serez soulevée et à partir d’une certaine force, vous décollerez tout à fait pour rejoindre votre place véritable : celle d’une goutte de pluie nichée dans un nuage. »

« Mais je suis si petite ! Jamais on n’aura assez de force pour me faire décoller. » se désola la larme.

« C’est là toute l’ingéniosité du stratagème ma chère… Car tous ceux qui pédaleront pourront, sur leur vélo de fortune, vous raconter leur malheurs, se décharger de leur peine. Ils repartiront le cœur léger et vous grossirez de ces tristesses qui nourrissent si bien les larmes. A mesure que vous enflerez vous serez plus légère et plus légère vous serez plus il sera facile de vous faire décoller ! »

Le stratagème était sans faille. La larme fut très émue, et remercia chaleureusement l’inventeur génial. Les travaux allèrent bon train et très vite la larme s’installa sur sa machine, prête à recevoir les doléances de tous et toutes, à gonfler et enfin à s’envoler.

Si vous passez près de sa machine, arrêtez-vous quelques instants. Vous trouverez une oreille sensible et vous pourrez aider cette larme à devenir la goutte de pluie qu’elle a, au fond d’elle, toujours été.

 

Helico da Vinci : Lyon 3

Merci aux participants, participantes et artistes des différentes écoles participantes. Merci à Lolita Del Pino, Pauline Prevost et Guillaume Chapuis pour la composition des musiques.

Merci également à Tom Huet, Christine Richier Julie Lola Lanteri et Frédérik Borrotzu ainsi qu’à Camille Michel pour la coordination du projet.

Merci enfin à la Fondation Bullukian d’avoir accueilli les artistes et leurs œuvres. À l’Université de Lyon pour sa production et son soutien financier.

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La fête des lumières se voit, se regarde, s’admire. Et si nous écoutions les installations lumineuses ? Nos errances dans le jardin Bullukian, nous transportent vers un nouveau rêve de la fêtes des lumières. Des souvenirs contés, des oeuvres lumineuses pour une fois racontées.

Chaque oeuvre, chaque attraction est ainsi dotée de son portrait sonore ou ne manque que l’image. Écoutez pour une fois ce que vous aviez l’habitude de voir. Quels sons produisent ces œuvres visuelles, quels sont les sons de leur fabrication, de leur montage ? Quels sons déclenchent-ils dans l’imaginaire du public, de leurs concepteurs, de leurs monteurs ? Quels sont font-elle pour vous ?

Quelles histoires vous racontent-elles ?

Une émission réalisée en partenariat et avec le support financier de l'Université de Lyon.